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HISTOIRE DE l’AFFAIRE DREYFUS


service des renseignements ». D’Aboville, rentré la veille, ignorait les derniers incidents ; crainte de paraître indiscret, il se retire dans son cabinet[1].

Peu après, Boucher étant parti, Fabre rappelle son sous-chef, le met au courant.

Il avait été promu sous-chef depuis deux jours ; il ne lui déplaisait pas d’inaugurer par un coup de maître ses nouvelles fonctions. Il décide, « après y avoir réfléchi », que l’auteur du bordereau est un stagiaire de l’État-Major, appartenant à l’arme de l’artillerie et très versé dans les questions techniques. « Si j’étais chargé de le trouver, je crois que j’y arriverais assez facilement. — Comment ? » interroge Fabre[2].

D’Aboville expose qu’envoyé, au commencement de l’année, à Bourges, pour y procéder à la rédaction de la consigne et à l’embarquement d’une batterie de 120 court, l’officier, qui l’y guidait, lui montra la fabrication du projectile de 120, mais refusa de lui donner des détails sur le frein de ce canon. Or, le bordereau mentionnait « une note sur le frein hydraulique du 120 et la manière dont s’est conduite la pièce ». Donc, l’auteur du bordereau est un artilleur et très informé.

Fabre eût pu objecter qu’on ignorait le contexte de la note ; que cette note peut être très documentée, mais aussi très banale ; qu’il y a deux canons de 120, le long et le court ; que rien n’indique dans la note qu’il y soit question du 120 court ; qu’au contraire, le frein du 120 court est dit hydro-pneumatique et celui du 120 long hydraulique, qui est l’expression du bordereau ; que le

  1. Rennes, I, 571, Fabre ; I, 575, D’Aboville.
  2. Rennes, I, 575, D’Aboville. — Je suis, pas à pas et mot à mot, le propre récit de D’Aboville, identique à celui de Fabre, mais plus détaillé. Mêmes dépositions, plus sommaires, à l’instruction de 1894 (Cass., II, 38 et 39).