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HISTOIRE DE L’AFFAIRE DREYFUS


mença à s’ébruiter. C’est ce que déclare Cordier[1]. Le bordereau ne fut remis qu’un peu plus tard, dans la matinée, à Sandherr, quand il vint au bureau. Le sous-chef, Cordier, était absent, en congé[2]. Les grands chefs ne le connurent que dans l’après-midi.

Le récit de Lauth et celui de Gribelin tendent à attribuer pour origine au bordereau le cornet de la Bastian. Lauth précise même qu’Henry avait reçu ce cornet la veille ou l’avant-veille au soir, et qu’il avait recollé le bordereau chez lui[3], sans s’occuper d’ailleurs des autres pièces dans les autres cornets[4]. De même la femme d’Henry raconte que son mari travailla, certain soir, à dépouiller des papiers qui lui avaient été remis. Elle s’était retirée dans sa chambre ; puis, inquiète de ne pas le voir, elle se relève, le rejoint et l’interroge : « Pourquoi travaillait-il plus tard que de coutume ? » Henry désigne des petits papiers épars devant lui et une lettre qu’il achevait de reconstituer : « J’ai trouvé des choses graves que je dois finir de voir ce soir. » Quelques instants après, il serait rentré dans la chambre en tenant dans la main un morceau de papier et la lettre reconstituée ; il lui dit, plus tard, que c’avait été le bordereau[5].

Ainsi s’explique que le papier était absolument sec, quand Henry, le lendemain, le montra à Lauth. Mais tous ces récits et tous ces détails, dont les uns

  1. Cass., I, 297 ; Rennes, II, 499. — Lauth, à Rennes (I,609) proteste contre cette version et affirme qu’il a connu le bordereau dès son arrivée. C’est alors qu’il ajoute : « La manière dont les paquets étaient placés sur la table, la manière dont Henry nous a appelés, nous a fait venir, le voulant bien, le faisant exprès, tout montre qu’il voulait nous montrer le bordereau. » (I, 610.)
  2. Cass., I, 412, Lauth ; I, 296, Cordier.
  3. Cass., I, 411, Lauth.
  4. Ibid., 412.
  5. Rennes, I, 261, Mme Henry.