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APPENDICE


de quatre à cinq années à l’entrevue[1]. Celui de Dreyfus date du jour même, dans une lettre personnelle à son avocat.

2° Dreyfus, écrivant à Demange, n’a aucun intérêt à travestir la communication qu’il a reçue du ministre, tout intérêt, au contraire, à relater la stricte vérité. Mercier a tout intérêt à prétendre qu’il n’a pas été question d’amorçage, pour les raisons que j’ai exposées plus haut : pour dénier les véritables paroles de Dreyfus à Lebrun-Renault ; pour se faire l’attitude du ministre perspicace, inflexible, qui n’a jamais douté du crime du juif.

3° La preuve que Du Paty posa la question de l’amorçage à Dreyfus résulte de la lettre même que Dreyfus écrivit le même soir à Mercier : « J’ai reçu par votre ordre la visite de M. le commandant Du Paty de Clam, auquel j’ai déclaré que j’étais innocent et que je n’avais même jamais commis aucune imprudence. Je n’ai pas de grâce à demander. »

4° Cette preuve résulte également du rapport sommaire de Du Paty à Mercier, de même date : « Il n’a rien voulu avouer, me déclarant qu’avant tout il ne voulait pas plaider les circonstances atténuantes. » Mercier convient[2] que « cette expression peut paraître un peu douteuse ; elle ne peut avoir qu’une signification, c’est-à-dire que le capitaine ne veut pas faire de révélations qui amèneraient pour lui des atténuations de peine ». Quelles révélations ? Précisément celle d’un amorçage qu’il n’a pas tenté.

5° Les véritables paroles de Dreyfus à Lebrun-Renault sont une autre preuve, et même les paroles falsifiées qui lui sont prêtées : « Le ministre sait bien que si je livrais des documents, ils étaient sans valeur, et que c’était pour m’en procurer de plus importants. »

  1. Les dépositions de Mercier sont du 8 novembre 1898 devant la Cour de cassation, et du 12 août 1899 devant le Conseil de guerre de Rennes. La déposition de Du Paty, par commission rogatoire, est du 1er septembre 1899.
  2. Rennes, I, 101, Mercier.


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