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HISTOIRE DE L’AFFAIRE DREYFUS


ceaux[1] ». Or, ce papier, d’un genre peu commun[2], n’était coupé que par deux déchirures, incomplètes, l’une, dans la largeur, au tiers inférieur de la page, l’autre verticale qui ne rejoignait pas tout à fait la précédente.

Les déchirures très nettes, en biseau, n’avaient même pas traversé de part en part le léger et transparent papier. Avant d’être recollés, les deux morceaux se tenaient par un bout commun. Feuille avec une déchirure plutôt que feuille déchirée. Les papiers qui venaient par le cornet de la femme Bastian étaient ramassés par elle dans des chiffonniers ou des cheminées. Ils étaient froissés, plissés, souillés, calcinés souvent. Celui-ci, d’espèce si fragile, n’était ni plissé, ni froissé ; il était uni, lisse.

La lettre a deux feuillets : le premier est « couvert d’écriture » au recto et jusqu’à la moitié du verso ; le deuxième est blanc, mais incomplet. Sur ce feuillet, une tache provenant, selon une explication ultérieure, « d’un acide dont on s’est servi pour enlever un mot[3] ». Quel mot ? Qui l’a fait disparaître ? Pourquoi ?

Lauth et Matton s’étaient approchés, avec Henry, de la fenêtre et en avaient écarté les rideaux[4] pour mieux lire le mystérieux document. Ces détails matériels n’ont pu leur échapper.

Henry leur avait dit que ce qu’il avait trouvé était

  1. Rennes, I, 608 ; Cass., I, 412, Lauth : « Quelques fragments… » — Gribelin n’en dit rien.
  2. Cass., III, 103, Ballot-Beaupré : « Le bordereau est écrit sur un papier pelure, de nuance jaunâtre, filigrané au canevas après fabrication de rayures en quadrillages de 4 millimètres. »
  3. Cass., I, 683, Rapport des experts en papier Putois, Choquet et Marion : « Une tache provenant, nous dit-on, d’un acide dont on s’est servi pour enlever un mot. » Ce sont les mêmes experts qui constatent que le deuxième feuillet du bordereau n’est pas complet.
  4. Cass., 1, 412 ; Rennes, I, 608, Lauth.