Page:Joseph Reinach - Histoire de l’Affaire Dreyfus, La Revue Blanche, 1901, Tome 1.djvu/630

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
608
HISTOIRE DE L’AFFAIRE DREYFUS

Avant que Mercier ait pris connaissance du commentaire qu’il avait demandé, — ou après.

Avant ?

Ce coup de Sandherr serait inexplicable, aussi inexplicable que la reconstitution du dossier secret, malgré l’ordre de Mercier, est facile à expliquer par le désir qu’avaient ces sous-ordres de tenir leurs chefs, coupables, avec eux, de forfaiture. Inexplicable également est le peu de curiosité de Mercier qui ne se serait pas enquis de l’auteur du commentaire qu’il avait fait faire pour son usage personnel. Et, surtout, l’hypothèse se heurte à cette affirmation de Mercier qu’il n’était pas question, dans le commentaire qu’il a lu, ni de l’obus, ni des trahisons antérieures de Dreyfus[1].

En effet, il en était question dans cette notice, dans celle qui fut lue par les juges.

Après ?

Sandherr aurait présenté à Mercier le commentaire de Du Paty ; puis, il y aurait substitué, dans le dossier qui fut remis aux juges, la notice biographique.

Mais pourquoi cette supercherie de Sandherr à l’égard du ministre de la Guerre ? Mercier a reconnu « qu’il a lui-même mis les pièces secrètes sous pli cacheté[2] ».

Dès lors, impossibilité de la substitution d’une pièce à une autre par Sandherr et par Henry.

Sans doute, Mercier a cherché à revenir sur cet aveu qu’il avait fait spontanément, le 12 août 1899, alors qu’il n’en apercevait pas les conséquences. Quand il les a aperçues, il a changé de système. Il a dit successivement, le 24 août, qu’il ne savait pas qui avait fait le pli[3], puis, le 26 août, après la déposition de Freystætter, que c’était Sandherr[4].

Mais, le 7 septembre, il a été contraint de revenir à sa première version et de reconnaître que le pli avait été fait

  1. Rennes, II, 402, Mercier.
  2. Ibid., I. 98.
  3. Ibid., II. 222.
  4. Ibid., 403.