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APPENDICE

Mercier a avoué avoir détruit le commentaire qui avait été présenté aux juges ; le colonel Jouaust lui pose cette question : « Comment avez-vous pu penser que le commentaire de Du Paty de Clam n’était pas une pièce à laisser dans le dossier ? » Mercier répond :

« Je rectifierai d’abord l’expression « commentaire de Du Paty de Clam ». C’est le colonel Sandherr qui a fait faire ce commentaire ; il était peut-être de l’écriture de Du Paty de Clam, mais c’est le colonel Sandherr qui en a été chargé et qui l’a remis.

« C’est un commentaire que j’avais fait faire, dès le commencement du procès, pour mon usage personnel, pour me rendre compte des charges qui pesaient sur Dreyfus. À la fin du procès, ce commentaire, avec les pièces secrètes qu’il commentait, a été envoyé au colonel Sandherr ; lorsqu’il m’est revenu, j’ai détruit, en présence du colonel Sandherr, le commentaire, en lui disant qu’il ne devait pas en rester de traces, et je lui ai rendu toutes les pièces secrètes annexées à ce commentaire, pour qu’elles fussent réparties dans les différents cartons d’où elle venaient, car le dossier secret a été disloqué à ce moment-là et le commentaire seul a été détruit. D’après l’ordre que j’avais donné au colonel Sandherr, je croyais qu’il ne restait plus rien, même en copie, de ce commentaire ; par conséquent, quand, en 1897, on m’a appris qu’il existait une copie contrairement à mes ordres, je l’ai détruite[1]. » (Agitation.)

Il ne résulte nullement de cet aveu que le commentaire, communiqué aux juges de 1894, ait été celui de Du Paty ; mais seulement que Mercier aurait ignoré, en 1894, que la pièce qui lui fut montrée avant le procès, et qu’il a détruite après, — qu’il avait fait faire, dit-il, pour son usage personnel, mais qu’il communiqua cependant aux juges, — n’était pas celle qui avait été écrite et rédigée par Du Paty.

Est-ce exact ?

Dans ce système de Mercier, l’hypothèse de la copie étant écartée, ce serait Sandherr et Henry qui, de leur propre autorité, auraient substitué au commentaire rédigé par Du Paty la notice qui fut communiquée aux juges, substitution qui ne peut avoir été faite qu’à deux moments :

  1. Rennes, II, 221, Mercier.