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HISTOIRE DE L’AFFAIRE DREYFUS

VII

hanotaux et mercier

Pourquoi Mercier n’a-t-il point entretenu Hanotaux de la dépêche du 2 novembre ? Mercier, à Rennes, en donne la raison suivante : « Je me suis dit : ou que réellement on s’était trompé dans la première traduction et que la seconde était seule bonne, ou que le ministre des Affaires étrangères avait les raisons les plus sérieuses pour désirer qu’il ne soit pas fait usage de la première traduction[1]. » En d’autres termes, Mercier insinue qu’Hanotaux lui a fait communiquer comme définitive, authentique et officielle, une version intentionnellement mensongère.

Le seul fait de la contre-épreuve de Sandherr exclut la possibilité que Mercier se soit fait à l’époque cet inepte et abominable raisonnement. Il est vrai que Mercier prétend avoir ignoré la contre-épreuve. Mais alors même qu’il l’eût ignorée, — ce qui est inadmissible — et qu’il eût pu raisonner ainsi, il resterait à expliquer, — ce dont Mercier se garde, — pourquoi il n’a pas questionné son collègue, fût-ce en dehors du conseil, au sujet des traductions successives de la dépêche. Il le devait d’autant plus que, s’il prétend avoir donné l’ordre de ne faire aucun usage de la dépêche, tenue censément pour douteuse, il a reconnu qu’il fut fait usage contre Dreyfus de la pièce Canaille de D…, pièce qui impliquait les relations de Dreyfus à la fois avec l’Italie et avec l’Allemagne. Or, la dépêche de Panizzardi suffisait à montrer que D… ne pouvait être Dreyfus.

J’ai démontré[2] que l’assertion de Mercier est deux fois inexacte et qu’un texte falsifié de la dépêche du

  1. Rennes, I, 160, Mercier.
  2. Voir ch. X, p. 441.