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APPENDICE


Dreyfus « fut prise en conseil restreint des ministres[1] ».

L’inexactitude (voulue) de cette version ne résulte pas, d’ailleurs, des seuls témoignages concordants de Du Paty et de Cochefert. En effet, on a vu, d’après le récit circonstancié d’Hanotaux, que non seulement l’arrestation de Dreyfus n’avait pas été décidée au petit conseil du 11, mais que le ministre des Affaires étrangères avait cru pouvoir garder le légitime espoir d’empêcher toute procédure.

Si la décision d’arrêter Dreyfus avait été prise au seul conseil restreint des ministres qui ait été tenu, celui du 11 octobre, les démarches ultérieures d’Hanotaux n’auraient aucun sens ; Dupuy et Guérin auraient mentionné, dans leurs récits, une aussi grave résolution.

Et non seulement Dupuy, Guérin et Hanotaux ne disent pas que l’arrestation avait été ordonnée dans le petit conseil des ministres, mais Dupuy dépose que l’épreuve de la dictée fut racontée plus tard par Mercier « comme ayant produit sur Dreyfus, d’abord une hésitation, puis un tremblement, qui ont paru suffisants pour le faire mettre en état d’arrestation[2] ».

De même, Guérin : « Cette épreuve avait jeté la conviction dans l’esprit de ceux qui s’y étaient livrés[3]. » De même, Poincaré[4].

Mercier n’aurait pas eu à alléguer cette prétendue preuve, pour se justifier d’avoir fait arrêter Dreyfus à l’insu de ses collègues, si cette mesure avait été résolue en conseil des ministres.

Boisdeffre glisse et passe.

Mercier prétend encore que l’arrestation précipitée de Dreyfus a eu pour cause son prétendu trouble pendant la scène de la dictée.

J’ai montré[5] que la fameuse épreuve avait été

  1. Rennes, I, 89, Mercier,
  2. Cass., I, Dupuy, 658,
  3. Rennes, I, 231, Guérin.
  4. Cass., I, 292, Poincaré,
  5. Voir page 100.