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APPENDICE

Ainsi, en voulant réfuter Cordier, c’est Lauth lui-même qui se convainc et qui convainc Mercier d’une violente erreur et Henry d’un nouveau faux, puisqu’il déclare, sous la foi du serment, qu’il a recollé la pièce fin 1893.

Ou bien cela encore serait inexact ; toutes ces déclarations, successives et contradictoires, seraient inexactes. Alors, la pièce serait de 1892, comme l’affirme Cordier. Lauth, en effet, n’aurait point commis un tel témoignage rien que pour le plaisir de convaincre Mercier d’imposture ; c’est Cordier qu’il essaye de prendre en faute.

En tout cas, la pièce est antérieure à 1894. Et la date du 16 avril 1894 n’y a été inscrite que pour pouvoir l’appliquer à Dreyfus.

Il résulte également de la déposition de Cuignet que la pièce est antérieure à 1894. Dépouillant et commentant le dossier secret devant la Cour de cassation : « La première partie du dossier, dit-il, nous montre que, dans le courant de 1893, il y avait des fuites au ministère de la Guerre, etc. » Et il range, dans cette première partie, la pièce Canaille de D[1].

La démonstration involontaire de Lauth dispense de rechercher si la pièce Canaille de D… est bien celle qui fut montrée, en août 1893, à Develle, alors ministre des Affaires étrangères, par Delaroche-Vernet, ou si c’est une autre. Les souvenirs de Develle sont imprécis[2]. Il est vrai qu’ils sont contestés par Roget[3] avec une violence suspecte.

Enfin, il n’est pas impossible que la pièce soit un faux, du moins en partie, qu’elle ait été « maquillée » par Henry à l’usage des juges de 1894. Cordier a demandé, à Rennes, à la revoir. Cela lui fut refusé. Panizzardi ne l’a jamais reçue, et Schwarzkoppen lui a affirmé ne l’avoir jamais écrite[4]. Schwarzkoppen savait que l’un des agents

  1. Cass., I, 357, Cuignet.
  2. Cass., I, 334, Develle.
  3. Cass., I, 641, Roget.
  4. Cass., I, 467 et Rennes, III, 426, Trarieux d’après Tornielli.