la place par un chemin détourné. Quand il y parut, séparé seulement de la foule par une barrière, « les clameurs redoublèrent, devinrent effroyables ». Une bousculade se produisit. Un instant, il se trouva presque seul au milieu des manifestants. « Les coups de canne et les coups de poing pleuvaient sur lui sans relâche[1]. » Un officier d’infanterie le frappa du pommeau de son sabre[2]. Impassible, il offrit son corps à la foule, repoussa les gardiens qui cherchaient à le protéger, responsables de lui ; il eût voulu parler, crier son innocence. Mais les hurlements : « À l’eau ! À mort ! » ne cessaient de retentir, d’une folie croissante. « Des mains se tendaient pour l’empoigner[3] ». Alors deux gendarmes le prirent par les épaules et le traînèrent jusqu’à une voiture où ils le jetèrent, « lamentable chiffon, écrit le collaborateur de Drumont, presque digne de pitié ».
Cependant la canaille ne désarmait pas et poursuivait la voiture lancée au triple galop. On l’eut à peine fait descendre dans la chaloupe que ces sauvages arrivèrent sur le quai ; leurs cris de mort le suivirent sur les flots, dans la nuit[4].
Quand il arriva à l’île de Ré, il dut marcher dans la neige pour arriver au Dépôt, par un froid atroce, la tête en feu, les mains gelées et brisées par les menottes. Le directeur, Picqué, le fît mettre nu pour le fouiller. Puis il le conduisit dans sa cellule dont la porte resta ouverte sur le poste des gardiens.