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HISTOIRE DE L’AFFAIRE DREYFUS


mais il fit distribuer un placard qui la recommandait : « En 1887, le Congrès a élu Sadi-Carnot, parce qu’il avait refusé de se prêter aux tripotages de Wilson ; en 1895, le Congrès doit élire celui qui a livré au conseil de guerre le traître Dreyfus. » Général patriote, il était « le candidat des patriotes, des honnêtes gens, des vrais républicains ». Casimir-Perier, avant de donner sa démission, « a rêvé d’un coup d’État » ; Challemel-Lacour l’y encouragea ; mais Mercier a refusé son concours, fait échouer le complot. Le placard, comme un prospectus de dentiste américain, était orné du portrait du général.

Mercier eut trois voix. La droite vota pour Faure, sauf quelques bonapartistes qui donnèrent leurs voix à Brisson. Presque tous les sénateurs républicains, une trentaine de députés votèrent pour Waldeck-Rousseau ; Brisson arriva en tête du premier tour de scrutin. Waldeck-Rousseau se désista alors en faveur de Faure qui fut élu par 430 suffrages contre 361 à Brisson.

Une tempête éclata sur les bancs de l’extrême gauche : « À bas les vendus ! C’est le Président des droites ! Il ne sera plus là dans trois mois ! À Mazas[1] ! »

Félix Faure, avec beaucoup de correction, confia au chef des radicaux, Bourgeois, le soin de former un ministère. Bourgeois, après de longues négociations, échoua dans sa mission. Le nouveau Président appela alors Ribot qui constitua son cabinet en vingt-quatre heures. Ribot prenait la présidence du Conseil avec les Finances, donnait les Sceaux à Trarieux, gardait Hanotaux aux Affaires étrangères, faisait passer Leygues de l’Instruction publique à l’Intérieur et Poincaré des Finances à l’Instruction publique, s’adjoignait quelques hommes nouveaux, Dupuy-Dutemps, Chautemps, qui représen-

  1. Journal officiel du 18 janvier.