Page:Joseph Reinach - Histoire de l’Affaire Dreyfus, La Revue Blanche, 1901, Tome 1.djvu/58

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
 Les corrections sont expliquées en page de discussion
36
HISTOIRE DE L’AFFAIRE DREYFUS

Ainsi le ministère de la Guerre se sentait entouré d’un redoutable réseau d’espionnage ; des indices de trahison lui venaient à la fois de l’ambassade allemande et de l’ambassade italienne. Il y avait manifestement plusieurs espions : les uns, comme D…, qui étaient à la fois au service des deux attachés ; les autres qui n’opéraient que pour l’un des deux attachés, mais dont les renseignements profitaient aux deux ; et quelques-uns étaient installés dans la maison même. On avait pu croire d’abord qu’ils n’avaient été recrutés, à bas prix, que dans un personnel très inférieur, — tel « ce canaille de D… », qui portait lui-même à l’attaché étranger son paquet de plans directeurs, ou « l’homme des forts de la Meuse », qui venait, lui aussi, en personne, à l’ambassade d’Allemagne et recevait des acomptes de quinze louis. Mais, depuis la lettre du mois de janvier, on savait qu’il y avait parmi ces traîtres un officier qui appartenait ou fréquentait au ministère ; et les délations de Val-Carlos à Guénée avaient précisé que la trahison habitait l’État-Major général lui-même.

Mercier avait ordonné d’étendre la surveillance aux officiers ; mais les recherches n’aboutirent pas. Il y avait parmi ces officiers un seul juif, le capitaine Dreyfus,