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HISTOIRE DE L’AFFAIRE DREYFUS


l’entretiendra de l’affaire Dreyfus, Schwarzkoppen montrant Du Paty, dira « qu’il ne voudrait pas avoir la conscience de cet homme ni être dans sa peau[1] ».

La déclaration de Casimir-Perier consommait le sacrifice d’un innocent, mais elle écartait toute possibilité de conflit. Il n’y avait d’humiliation pour personne.

Le reste devenait facile. Casimir-Perier poursuivit ses avantages. Le chancelier allemand demande une déclaration formelle. Le Président propose qu’une nouvelle note officielle soit publiée. Il ne lui appartient pas de la rédiger ; c’est affaire au président du Conseil. Mais comme déjà d’autres notes ont été publiées, il y aura intérêt à ce que la nouvelle n’en diffère pas beaucoup, parce que des divergences seraient recherchées, marquées, et deviendraient un nouvel élément de discussion. Il y aura avantage aussi à ce que la note vise toutes les ambassades et légations, parce qu’une note qui n’eût visé que l’ambassade d’Allemagne aurait fait planer sur les autres un soupçon immérité. Il sera donc affirmé qu’aucune ambassade ou légation étrangère n’est « impliquée », puisque c’est le mot de la dépêche, dans l’affaire. « Nous avons arrangé d’autres affaires, insistait Casimir-Perier ; il faut que celle-ci ne s’envenime pas. »

L’entretien s’achevait, en grande douceur, sans que le nom de Dreyfus eût été prononcé autrement que pour désigner l’objet du litige.

Munster portait à Casimir-Perier une sincère amitié ; il était très désireux d’en finir au plus vite. Il accepta l’idée d’une note, promit d’en référer, le jour même, à Berlin, et, ne doutant pas de la réponse affirmative, demanda un nouveau rendez-vous, pour le jour suivant, avec le président du Conseil. Casimir-Perier s’em-

  1. Lettre du colonel Chauvet à M. Andrade.