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HISTOIRE DE L’AFFAIRE DREYFUS


venirs dans son carnet qu’après avoir été stylé par ses chefs !

Le soir même, il retourna au Moulin-Rouge et raconta qu’il n’avait fait aucune communication aux journaux, parce que le condamné Dreyfus ne lui avait fait aucun aveu. Le juif tremblait après la parade ; l’officier le regarda fixement ; Dreyfus lui dit ces seules paroles : « J’ai froid, mon capitaine[1]. »

VI

Casimir-Perier, dans l’audience qu’il accorda à Munster[2], se montra aussi habile que digne.

La fiction constitutionnelle qui fait de lui le plus irresponsable des souverains lui pesait comme une lourde responsabilité. Cependant, il sut y rester fidèle, même dans cet entretien d’un caractère insolite.

Il a discerné nettement dans la dépêche allemande ce qui lui permettra à la fois de répondre à la question posée et d’atténuer les conséquences de l’incident.

Il dit à l’ambassadeur que, chef d’État irresponsable, il eût dû peut-être laisser au ministre des Affaires étrangères et, en son absence, au président du Conseil, le

    cette feuille et ne la montra à personne, jusqu’au jour où un autre ministre de la guerre, Cavaignac, la lui demanda. Alors, la lui ayant fait voir, il la détruisit. (Cass., I, 276 ; Rennes, III, 76 et 81.) — Cavaignac, dans son discours du 7 juillet 1898, donne le texte de cette feuille où il n’est fait aucune allusion à la visite de Du Paty à Dreyfus, allusion que Lebrun-Renaud rétablira, pour cause, devant la Cour de cassation et à Rennes.

  1. Cass., I, 381, déposition du gouverneur Bayol à qui Lebrun-Renaud fit ce récit.
  2. Rennes, I, 63 et 64, Casimir-Perier.