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HISTOIRE DE L’AFFAIRE DREYFUS


et le démenti adressé aux journaux qui mêlaient les ambassades à l’affaire n’a été qu’une feinte.

Comme les journaux redoublaient de violence contre l’Allemagne après la condamnation, Munster demanda au Figaro l’insertion d’une note catégorique. « Jamais l’ambassade n’a eu le moindre rapport, soit direct, soit indirect, avec le capitaine Dreyfus. Aucune pièce émanant de lui n’a été volée à l’ambassade, aucune démarche n’a été faite pour le huis clos du procès[1]. »

Cette déclaration, qui fut publiée comme « émanant d’un personnage accrédité de l’ambassade d’Allemagne », éclatant au lendemain de la condamnation, c’est le chef-d’œuvre de l’impudence ou la preuve irréfutable de l’erreur judiciaire. Mais tels sont le désordre des esprits, l’habitude du mensonge et la haine, que la note ne produisit aucune impression. Les ministres sont certains à la fois de l’origine du bordereau et de l’infaillibilité des sept juges. Accoutumés à tromper le peuple-roi, les politiciens décident que le comte de Munster a publié la note pour tromper son souverain, l’Empereur.

La foule, à leur exemple, haussa les épaules. Les journaux s’entêtèrent. Celui de Drumont invite l’Allemagne « à élever une statue à Dreyfus » qui n’est venu d’Alsace en France, tout enfant, que pour trahir. Il n’était entré à l’École polytechnique, à l’École de guerre, à l’État-Major que pour y surprendre les secrets de la défense et les vendre à la Prusse. C’est de l’un des juges que Papillaud tient « cette information sûre » ; grossissement, en effet, de la notice biographique qui a été lue par Maurel en chambre du conseil[2]. Gaston Méry affirma, le lendemain, que la lettre de Dreyfus

  1. 26 décembre 1894.
  2. Libre Parole du 27 décembre.