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HISTOIRE DE L’AFFAIRE DREYFUS

poir suprême que la vérité se fera jour. Continuez vos recherches sans trêve ni repos. »

Le 4, veille du supplice, eut lieu la seconde entrevue. Ils purent s’embrasser. Il lui jura encore de vivre ; « Pour toi et nos enfants, je subirai le calvaire de demain[1]. »

Les journaux, la Croix, l’Intransigeant, annonçaient le prochain divorce de Mme Dreyfus ; l’infâme avait été abandonné par toute sa famille[2]. Cependant, « il avait bon appétit et préférait la honte à la mort[3] ».

Il vit également, pendant quelques instants, son frère Mathieu. Il lui renouvela son serment de vivre ; Mathieu lui jura de consacrer sa vie, toute son intelligence, toute leur fortune à la recherche du coupable.

Le soir, Dreyfus écrivit encore à sa femme : « Je suis plus calme. La joie de t’embrasser m’a fait un bien immense. Merci… Comme je t’aime ! »

X

Un vent de sauvagerie soufflait sur Paris dans l’impatience du supplice.

Cette grande ville a toujours été amoureuse de spectacles, ignobles ou beaux. La canaille, les filles, les assassins en puissance ne sont pas le seul public des exécutions capitales ; de bons bourgeois, des commer-

  1. Cass., I, 322, et Rennes, III, 108, Forzinetti.
  2. Croix du 31 décembre 1894.
  3. Intransigeant du 27 décembre 1894 et du 5 janvier 1895. — De même, Croix du 4 janvier, etc.