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LA DÉGRADATION


trouverait rien d’humain[1]. » Et Clemenceau : « Il n’a donc pas de parent, pas de femme, pas d’enfant, pas d’amour de quelque chose, pas de lien d’humanité ou d’animalité même, rien qu’une âme immonde, un cœur abject[2] ! »

Une angoisse serait restée à beaucoup « si une seule divergence s’était produite[3] » ; tout au moins, « une grande perplexité[4] » ; mais, par bonheur, ces sept juges ont été aveugles. Et de cet aveuglement de tous, il résulte à l’évidence qu’une lumière éblouissante les a tous frappés.

Leur caractère de soldats, d’officiers, ajoute à l’autorité du verdict. Cependant la toge n’est pas infaillible. Pourquoi l’uniforme le serait-il ? par quel privilège ? C’est encore un fait : le sabre confère la souveraine perspicacité. « Le public s’est départi, pour ces soldats, des méfiances que lui inspirent parfois l’intelligence du jury ou l’impartialité de la magistrature[5]. » Sept officiers n’auraient pas, sur des demi-preuves, condamné un frère d’armes[6].

Autrement grave eût été l’acquittement ; il eût prouvé l’erreur des chefs, leur manque de sang-froid[7].

  1. Figaro du 23 décembre.
  2. Justice du 25.
  3. Temps du 24.
  4. Matin du 28.
  5. Ibid.
  6. Temps, Débats, Paix, Justice, Radical, etc., du 24. C’est aussi le commentaire de ceux des journaux républicains qui ont reçu les communications de l’État-Major, notamment l’Éclair et l’Écho de Paris. Leurs articles, pendant cette semaine, sont d’une modération voulue. Ils s’abstiennent de polémiquer « sur la question de religion et de race qui n’a rien à voir dans l’affaire ». Le 31, pour affirmer sa prétendue impartialité, l’Écho publie un article de Bernard Lazare contre l’antisémitisme.
  7. Matin : « Ce jugement a été pour tous un véritable soulagement. » De même, Petit Parisien du 24.


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