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HISTOIRE DE L’AFFAIRE DREYFUS


pire, il avait fait la guerre et traîné assez longtemps dans les bas grades. Il avait été attaché, en 1876, à la personne du général de Miribel, un jour que celui-ci avait jugé habile de ne pas s’entourer que d’aristocrates. D’instincts policiers, il passa pour avoir espionné ses camarades auprès de son chef qui vantait alors son dévouement. Quand Miribel quitta l’État-Major général, en 1877, il ne voulut pas garder Henry et le plaça au bureau des renseignements, embryonnaire encore et que dirigeait le commandant Campionnet. Mal vu de son chef, Henry fut envoyé en Afrique où il passa dix ans, dans un régiment de zouaves, à Oran. Revenu, en 1891, en France, il avait réussi, depuis peu, à rentrer à son ancien bureau, malgré son insuffisance professionnelle et son ignorance des langues étrangères. Sandherr ne l’avait pas demandé ; il lui avait été imposé par Boisdeffre, auprès de qui Henry avait ses petites entrées et qui lui témoignait une absolue confiance[1].

Henry, installé au service, s’entendit avec la Bastian pour qu’elle lui apportât, une ou deux fois par mois, ses cornets, — non pas à l’État-Major, où la présence de cette domestique de l’ambassade allemande eût été suspecte, mais, à la tombée de la nuit, dans des endroits isolés, le plus souvent dans des églises[2]. Il se fit charger, avec le capitaine Lauth, du triage et du recollage des papiers, besogne qui avait été jusqu’alors celle de Brücker et qui aurait dû paraître indigne d’officiers[3].

Henry, désormais, chercha à tirer toutes ces affaires à lui ; peu goûté de Sandherr et de Cordier, il se lia

  1. Rennes, II, 520, Cordier. — Lettre de Boisdeffre à Cavaignac, du 30 août 1898 : « Cette confiance qui était absolue… »
  2. Rennes, II, 501, Cordier.
  3. Ibid., 500.