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HISTOIRE DE L’AFFAIRE DREYFUS


remit un pli, qu’il avait reçu à cet effet de Sandherr[1], « fermé et scellé[2], portant l’adresse du premier conseil de guerre[3] ».

Il ne lui en dit pas le contenu[4] « qu’il ignorait[5] », mais « il appela son attention sur une mention qu’on lui avait dit figurer sur une enveloppe intérieure[6] », et il lui « enjoignit, au nom du ministre, d’en donner connaissance aux juges[7] », en chambre du conseil. C’étaient les pièces secrètes, et Du Paty le savait, les pièces redoutables, décisives, attendues, dont il était question depuis longtemps.

Maurel affirme qu’il n’a pas reçu d’autre pli pendant toute la durée du procès, que ce fut le seul[8]. Picquart a déposé, par deux fois, qu’il lui en avait apporté plu-

  1. Rennes, III, 512, Du Paty.
  2. Rennes, II, 193, Maurel, et III, 512, Du Paty.
  3. Rennes, II, 193, Maurel.
  4. Ibid.
  5. Rennes, III, 512, Du Paty.
  6. Du Paty : « J’ai exécuté la consigne, et je ne sais rien de plus. »
  7. Maurel dit textuellement : « Il m’enjoignit, au nom du ministre, d’en donner connaissance aux juges dans des conditions de temps et de lieu nettement déterminées. » — Voici la déposition de Mercier : « J’envoyai le pli cacheté, le deuxième jour, je crois, ou, en tout cas, le matin du troisième, en lui faisant dire que je n’avais pas le droit de lui donner un ordre positif, » — Maurel dit qu’il lui enjoignit, — « mais que je lui donnais un ordre moral, sous ma responsabilité, d’en donner communication aux juges du conseil de guerre, parce que j’estimais qu’il y avait des présomptions graves dont il était indispensable qu’ils eussent connaissance ». (Rennes, I, 99.) Et, plus loin, après la déposition de Maurel, en réponse à une question de Labori : « Oui, j’en ai pris la responsabilité complète. Je n’avais pas le droit de donner un ordre absolu, vous le savez mieux que personne : j’ai donné l’ordre moral aussi complet que possible. »
  8. Rennes, II, 193, Maurel : « Ce pli, le seul (j’insiste sur ce mot) que j’aie reçu pendant toute la durée du procès Dreyfus. »