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LE PROCÈS


émotion communicative[1] ». Maurel, moins amateur de démonstrations théâtrales, exigeant moins de l’homme qu’il va condamner, dit « qu’il protesta, à plusieurs reprises et d’une manière véhémente, avec une indignation non contenue[2] ».

En fait, il s’appliqua à garder tout son calme apparent, se concentra, discuta chaque allégation d’un raisonnement serré, dissipant les équivoques, exigeant des faits précis.

Ce fut moins dramatique qu’une imprécation contre les lâchetés de l’amitié aux jours du malheur, mais c’eût été d’un effet plus utile, si quelque chose avait pu arrêter le destin.

Pressés par la froide logique de Dreyfus et le chaleureux bon sens de Demange, quelques uns des sycophantes, s’ils ne se rétractèrent pas entièrement, atténuèrent leurs dénonciations. Il fut reconnu par Boullenger que l’indiscrète question qui avait éveillé sa méfiance, était celle-ci : « Qu’y a-t-il de neuf au quatrième bureau ? » En vain Du Paty, enragé de son échec personnel, intervenait sans cesse, attisant les haines, jouant au directeur de l’audience, au maître du procès. Il blessa l’amour-propre, la conscience de certains juges. Tous les faits allégués furent réduits à leurs véritables proportions, s’évanouirent. Ils ne perdaient pas seulement le caractère d’actes de trahison, mais même toute apparence de curiosité blâmable[3]. Brisset lui-même conviendra qu’il n’en restait rien[4].

  1. Cass., II, 10, Lépine.
  2. Rennes, II, 192, Maurel.
  3. Cass., III, 606, Demange.
  4. Dans sa réplique à Demange. Voir page 436.