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HISTOIRE DE L’AFFAIRE DREYFUS


noncer le huis clos absolu dès l’ouverture de l’audience. Peut-être lui montra-t-il l’une des pièces secrètes[1].

Maurel comprit. Ce n’était pas un malhonnête homme ; c’était un colonel, qui avait été appelé par le chef de l’État-Major général de l’armée.

IV

Dreyfus, au Cherche-Midi, comptait les heures, les minutes qui le séparaient de la délivrance. Il avait une foi absolue dans ses juges, dans la justice. Ces juges sont des soldats. La France n’est-elle pas le pays du Droit ?

Passée la première fièvre de la chute, il avait supporté son supplice avec un courage calme, sans défaillance. Pas une parole d’amertume, pas une révolte. Cette dignité, fière et simple, était allée au cœur de Demange, comme de Forzinetti et des gardiens.

Il était sûr de sa victoire, sûr que son innocence éclaterait publiquement, que l’atroce méprise serait reconnue. Ses juges, ces officiers seraient heureux de réparer l’imbécile erreur. D’une part, toute une vie d’honneur ; de l’autre, le vide, le néant de l’acte d’accusation. Il

  1. Du Paty a raconté « qu’Esterhazy lui avait déclaré que la pièce Canaille de D… avait été communiquée par le général de Boisdeffre, dans son cabinet, au colonel Maurel, avant les débats du procès Dreyfus ». Ce qui est faux, affirme Du Paty : « Je lui ai fait promettre sur l’honneur de ne pas propager cette légende, et lui ai rappelé sa promesse dans une lettre écrite à la fin de novembre. « (Instruction Tavernier, interrogatoire du 17 juin 1899.) Esterhazy n’a pu être renseigné que par Henry, et Henry est un grand menteur. Mais quel intérêt avait-il à faire ce mensonge à Esterhazy ?