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L’INSTRUCTION


n’a point prêté serment, pourquoi n’en est-il pas de même des deux rapports de Bertillon dont le cas est le même ?

D’Ormescheville se garde de dire que Bertillon n’a point prêté serment. Cependant, c’est sur le premier rapport de Bertillon, que Mercier, selon D’Ormescheville, a ordonné l’arrestation immédiate de Dreyfus, et il s’approprie toutes les conclusions du second.

Les colonels Fabre et D’Aboville sont, eux aussi, des autorités en graphologie. D’Ormescheville lui-même, qui a examiné le bordereau « à la loupe », y a retrouvé « l’inclinaison de l’écriture, le graphisme, le manque de date et de coupure des mots en deux à la fin des lignes », qui sont le propre des lettres écrites par Dreyfus, « notamment au procureur de la République de Versailles et à sa fiancée ». Cruelle goujaterie qui semble une vengeance de Du Paty ! « Sauf des dissemblances volontaires », c’est une écriture toute pareille à celle de l’accusé. « En ce qui concerne la signature, elle manque parce qu’elle devait manquer. »

Pas un mot du papier pelure, vainement recherché dans les perquisitions, dont Dreyfus affirme ne s’être jamais servi !

La scène de la dictée est racontée d’après Du Paty : « Dès que Dreyfus s’aperçut de l’objet de cette lettre, son écriture jusque-là régulière, normale, devint irrégulière ; il se troubla d’une façon manifeste pour les assistants. »

L’interrogatoire devant l’officier de police judiciaire est « émaillé de dénégations persistantes, de protestations ». Crime de ne pas avouer le crime d’un autre. Et les réponses de l’accusé « comportent bon nombre de contradictions, pour ne pas dire plus ». Notamment, lorsqu’on le fouille, il dit : « Prenez mes clefs, ouvrez.