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HISTOIRE DE L’AFFAIRE DREYFUS


a été forcément connue d’un certain nombre d’employés. » Or, Gobert, expert à la Banque, a voulu savoir de Gonse le nom de l’officier incriminé ! « Demande contraire aux devoirs d’un expert en écritures. » Ainsi, le rapport de Gobert, « établi, d’ailleurs, sans prestation de serment », a été rédigé « sous l’empire de préoccupations contraires à la règle suivie, en la matière, par les praticiens ». De plus, « invité à fournir des explications techniques sur son examen, M, Gobert s’est dérobé, déclarant, en outre, que, si nous l’avions convoqué pour lui confier une seconde expertise, régulière cette fois, il s’y refusait ». Dès lors, « la lettre-compte-rendu de M. Gobert au ministre semble entachée, sinon de nullité, au moins de suspicion ».

Sauf que Gobert, expert à la Banque, a en effet déclaré[1] qu’il eût décliné une mission en justice, — nul, d’ailleurs, n’avait songé à la lui proposer, — tout était faux dans ce réquisitoire. Jamais Dreyfus n’a mis les pieds à la Banque, ni consulté aucun de ses fonctionnaires[2]. Gobert ne l’a jamais vu[3]. L’expert, en déposant au Cherche-Midi, a maintenu l’intégralité de son rapport[4]. Quand il a demandé à Gonse le nom de l’officier incriminé, c’était, non pas en violation des règles, mais pour se conformer aux coutumes de la justice civile[5].

Et si le rapport de Gobert est négligeable, parce qu’il

  1. Le 10 novembre, dans sa déposition devant D’Ormescheville.
  2. Rennes, II, 317, Dreyfus.
  3. Rennes, II, 315, Gobert.
  4. Cass., II, 531, Gobert.
  5. Dans son article de la Revue Scientifique sur l’expertise (18 décembre 1897), Bertillon, plus exigeant que Gobert, pose ce principe : « Nécessité pour l’expert de connaître exactement tous les faits qui ont pu motiver ou accompagner la confection de l’écrit soumis à son examen. »