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HISTOIRE DE L’AFFAIRE DREYFUS


entre les barreaux de la grille[1]. Il est mathématiquement impossible d’écrire sur la lettre t du mot clef un s qui ressemble à celui du bordereau[2]. Les mesures du t et des accents sont inexactes[3]. La lettre du buvard n’a pas été écrite sur gabarit, puisque le mot-clef lui-même n’a pas la mesure du kutsch[4]. Et faut-il dire que la lettre de Mathieu n’est pas un faux, qu’elle fut reçue par son frère et sa belle-sœur, à qui elle était adressée également[5], que les minutes du ministère de la Guerre, la note au général de Galliffet, avaient été écrites devant témoins[6] ?

Enfin, si le bordereau avait été forgé de la sorte, pourquoi Dreyfus n’a-t-il pas allégué, pour sa défense, cet « alibi de machination » si savamment préparé ? C’est « qu’il se sentit pris[7] », « qu’il avait eu vent du travail de Bertillon[8] ».

Or, dès que Du Paty lui montra le bordereau, Dreyfus avait dit : « L’ensemble de la lettre ne ressemble pas à mon écriture ; on n’a même pas cherché à l’imiter[9]. » Puis, le 29 novembre, à D’Ormescheville lui demandant s’il croit que le bordereau est l’œuvre d’un faussaire : « J’ai bâti mille hypothèses sur l’origine

  1. Rennes, II, 444. L’ingénieur Bernard a fait l’expérience sur une page d’un rapport de Bertillon, écrite par le commis-greffier du Conseil de guerre.
  2. Rennes, II, 410, Paraf-Javal.
  3. Ibid, 429. L’accent circonflexe a un peu moins de 1mm, 25, de même l’accent aigu, les t ont 6mm,14 et 4mm,8, la barre du t a 3mm,4. etc… Pas un multiple du kutsch.
  4. Ibid., 431 (15mm,46 et non 12mm,50).
  5. Rennes, II, 386 ; déclaration de Dreyfus qui offre de faire entendre son frère et sa femme ; sur quoi, silence de Bertillon.
  6. Rennes, II, 398 ; déclaration (également incontestée) de Dreyfus.
  7. Rennes, II, 343, Bertillon.
  8. Rennes, II, 397, Valerio.
  9. 29 octobre.