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L’INSTRUCTION


l’authenticité de la lettre de Mathieu trouvée dans le buvard, saisie sur l’invitation même de Mme Dreyfus[1]. Comment Dreyfus n’a-t il pas songé à dire que « cette lettre avait été confectionnée par ses collègues du ministère qui auraient profité des analogies d’écriture entre la sienne et celle de son frère pour fabriquer cet autre faux[2] » ? Ou « faut-il imaginer qu’en empruntant l’écriture de son frère, il se réservait la possibilité d’être substitué par lui[3] » ? En tout cas, que cette lettre soit de Dreyfus, de son frère, ou de n’importe quel autre, elle a été écrite, elle aussi, sur gabarit[4] ; elle peut contenir toutefois quelques passages qui auraient été écrits sans repérage[5]. D’ailleurs, rien « qu’avec une pièce de 5 centimes, dont le rayon est égal au kutsch, et un crayon, Dreyfus pouvait reconstituer le mot clef[6] ». La longueur du t et de sa barre, celles de l’accent circonflexe et de l’accent aigu dans le bordereau, sont des multiples, ou sous-multiples, du fatidique 1,25, le kutsch[7].

Ici encore, tout est faux. Le bordereau ne s’applique pas sur le gabarit, puisque Bertillon n’en réalise l’adaptation qu’en faisant glisser d’un millimètre et quart soit le bordereau lui-même, soit des mots et des portions de mots, et qu’il est réduit à présenter, comme une ruse de l’accusé, l’artifice où il déguise la fausseté de ses mesures[8]. Toute page d’écriture réticulée présente des coïncidences analogues de mots s’encadrant

  1. Rennes, II, 369, Bertillon.
  2. Ibid., 339.
  3. Ibid. — Je cite textuellement.
  4. Ibid., 376.
  5. Ibid., 377.
  6. Ibid., 363.
  7. Ibid., 362, 363.
  8. Rennes, II, 407, Paraf-Javal.