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HISTOIRE DE L’AFFAIRE DREYFUS


espionnage, le trafic de documents truqués, c’est le plus clair du système de Sandherr.

Ces ténébreuses organisations avaient leur contrepartie : on remarquait, dans certains bureaux, un relâchement extrême de toute prudence. Au troisième, les documents de la concentration étaient confiés à de simples secrétaires[1]. Au deuxième, où les attachés militaires étrangers étaient reçus chaque semaine, de simples caporaux copiaient, dans une antichambre, des documents confidentiels, qu’ils renfermaient dans des cartons sans cadenas ou qui traînaient, parfois, sur les tables.

Du Paty a intérêt à éloigner de son bureau, le troisième, une enquête gênante[2]. De plus, il a participé, en août, à la rédaction d’une note, exclusivement militaire, sur l’expédition de Madagascar[3]. Il s’en est targué. En attribuant au bordereau la date d’avril ou de mai, il écarte sa propre note du débat.

  1. Rennes, I, 396, Picquart : « Un de mes officiers, surpris de cet état de choses, m’a dit un jour : « Schwarzkoppen n’aurait qu’à confesser notre secrétaire un tel, il aurait toute notre organisation, toute la concentration. »
  2. Rennes, I, 396, Picquart : « L’enquête aurait prouvé la possibilité de fuites sans que le coupable fût un officier ».
  3. Rennes, I, 121, Mercier. La note sur Madagascar avait été rédigée, rapporte Mercier, par une commission qui comprenait un membre de chacun des ministères intéressés ; Du Paty y représentait le ministère de la Guerre. « Cette commission commença ses travaux dans les premiers jours d’août, et, le 20 août, elle avait complètement terminé ses travaux. Le rapport a été tiré à plusieurs exemplaires à la date du 29 août. » L’État-Major ayant, en 1899, changé la date du bordereau, le reportant du printemps à l’automne, Mercier dépose que la note livrée par Dreyfus est celle du 29 août. « Il était au 3e bureau ; il a pu en avoir connaissance soit par conversation avec Du Paty, soit en faisant des recherches indiscrètes. » (Rennes, I, 122.) Du Paty, dans aucune de ses dépositions, ne fait allusion à cette possibilité. Mais Carrière l’a faite sienne dans son réqui-