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HISTOIRE DE L’AFFAIRE DREYFUS


jamais vu fouiller dans les tiroirs ou dans les armoires ? Il a été chargé de surveiller l’autographie de plusieurs pièces. A-t-il dérobé un seul des exemplaires qu’il avait à sa disposition ? N’a-t-il pas protesté, — étrange espion ! — auprès du commandant Picquart, que son tour de surveillance venait trop souvent[1] ? A-t-il jamais eu des rapports, même officiels, avec un attaché étranger ?

Une sottise épaisse dicte des questions comme celle-ci : « Comment expliquez-vous qu’on ait pu reproduire des fragments de phrase écrits en allemand à l’aide du papier buvard qui a été trouvé à votre domicile[2] ? »

Ce juge a, dans son dossier, les livres de dépenses et de recettes de Dreyfus, exacts, si minutieusement tenus, sans un trou, et le compte de sa fortune, à l’usine de Mulhouse, dûment légalisé[3]. Où sont les besoins d’argent de l’inculpé ? Où a passé l’or du crime, le bordereau, à lui seul, valant, selon Bertillon, plusieurs millions ? Mais Du Paty s’en va racontant « que la famille Dreyfus s’est fait payer sous la forme de la prime d’assurance qui lui a été versée, lors de l’incendie d’une de ses usines en Alsace[4]. ».

Donc, ses frères auraient été ses complices.

Il a porté, un jour, au service intérieur, au lieu de les porter au service géographique, des pièces qu’il était chargé, par Picquart, de faire autographier. L’erreur a été réparée le lendemain. Elle a dû être volontaire. Il n’a conservé aucun de ces documents qui ont été im-

  1. Notes manuscrites de Dreyfus. (Dossier de 1894.)
  2. Interrogatoire du 28 novembre. Dreyfus répond qu’il a fait souvent chez lui des travaux de traduction allemande.
  3. Du 13 novembre. — Traduction française légalisée par le premier président de la Cour d’appel de Paris. Le compte est légalisé, à Mulhouse, par le conseiller de justice Krieger et par le président du tribunal impérial Schmolze.
  4. Du Paty le dit à Picquart (Rennes, I, 386).