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LA CAPITULATION DE MERCIER


taires, et l’a copiée « sur un papier dont Besse n’avait pas remarqué la nature ». Bretaud, comme Besse, tient Dreyfus pour « un peu vantard, et ayant beaucoup d’assurance ». Cuny avait passé sept à huit mois dans le même régiment que Dreyfus, « d’un caractère ferme et très sobre de conversations ». Cependant Dreyfus lui a raconté que « pour prendre les espions, il était d’usage, dans les ministères, de leur tendre des pièges ; on fabriquait de faux documents qu’on jetait dans les paniers pour voir si les employés ne les ramasseraient pas ». Cuny avait constaté aussi que Dreyfus « se promenait souvent seul, après le repas du soir, dans les rues du Mans, et qu’il recherchait assez volontiers les femmes du demi-monde. Nous lui avons même reproché de les payer plus cher que nous. » Chaton a également connu l’accusé au Mans ; il lui a entendu raconter la même histoire d’espionnage, et lui a trouvé « le caractère un peu hautain ».

Mais d’autres dépositions furent honorables. Mercier-Milon se nomma comme l’officier qui avait envoyé Dreyfus chez Besse, pour mettre à jour la liste des quais militaires. Brault et Sibille ont donné à Dreyfus des renseignements sur une question de tir, mais la question n’avait rien de confidentiel. Colard a eu Dreyfus sous ses ordres ; « laborieux, instruit, trop sûr de lui pour son âge », il n’a jamais demandé aux officiers de la section d’autres renseignements que ceux qui lui étaient nécessaires pour ses travaux. Et l’on n’eut garde d’interroger ses camarades de stage, Putz, Sourriau, Fonds-Lamothe, Junck, qui auraient tous répondu « que rien, chez lui, ne faisait prévoir qu’il pût se rendre coupable de trahison »[1].

  1. Cass., I, 426, Junck.