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LA « LIBRE PAROLE »


froid aux doigts. La température du bureau était très normale. » Pendant son premier interrogatoire, « il contrôlait ses gestes du coin de l’œil dans une glace ». Dans les interrogatoires subséquents, « il a avoué avoir eu connaissance de trois documents : le frein hydraulique, le plan de transport et de couverture, le projet du manuel de tir… Quand il a connu le bordereau en entier, il a même dit : On a volé mon écriture[1]. »

Si Mercier avait ouvert le dossier annexé au rapport, il y eût trouvé la preuve de la plupart de ces mensonges.

« L’attitude de Dreyfus a été celle d’un simulateur, » très habile, d’une excessive prudence, d’un comédien consommé ; théâtrale, le jour de l’arrestation, puis, au Cherche-Midi, sournoise : « En défiance, il est toujours resté dans le vague ; lorsque je lui ai présenté des fragments d’écriture isolés, son premier soin a été de s’assurer s’il s’y trouvait des mots compromettants. »

Les protestations d’innocence deviennent « des manifestations emphatiques et déplacées, dont le but était de faire sortir Du Paty de son calme ». Et l’antisémite accuse le juif de nourrir une haine violente contre les chrétiens : « Il me maudissait, appelait la malédiction de Dieu sur moi et les miens, criait que sa race se vengerait sur la mienne. »

Le résultat négatif des perquisitions, puis des enquêtes chez les marchands de papier, est passé sous silence. Pas un mot de l’impression de Forzinetti que l’accusé est innocent.

« Recherches sur la vie privée de M. le capitaine Dreyfus. » C’est le chef-d’œuvre de l’insinuation subtile, empoisonnée, d’un Basile délicat, expert en l’art

  1. Voir Appendice V.