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L’ENQUÊTE


mon avis, je me serais bien gardé de le formuler. Je crois que vous faites fausse route. Dreyfus est aussi innocent que moi[1]. »

À cet instant, Mercier ouvrit la porte, appela Boisdeffre qui entra seul. Au bout d’un quart d’heure, Boisdeffre sortit, « paraissant de fort mauvaise humeur ». Il dit à Forzinetti que Mercier partait le soir, « pour aller assister au mariage de sa nièce, qu’il ne reviendrait que le surlendemain lundi ». — En effet, Mercier quittera Paris ce même soir[2] avec Barthou, ministre des Travaux Publics, pour présider, le lendemain, à Pau, à l’inauguration de la statue du maréchal Bosquet. Il ne rentrera que trois jours après. — « Tâchez, poursuivit Boisdeffre, de me conduire Dreyfus jusque-là ; le ministre se débrouillera alors avec son affaire Dreyfus. »

Forzinetti eut l’impression que Boisdeffre avait désapprouvé l’arrestation de Dreyfus[3]. Ou bien Boisdeffre voulut-il produire cette impression sur Forzinetti ?

Boisdeffre prescrivit également de faire visiter Dreyfus, secrètement, par le médecin du Cherche-Midi, en lui demandant sa parole d’honneur de garder le silence le plus absolu.

Le lendemain[4], à la première heure, le docteur Defos du Rau visita Dreyfus, ordonna des potions calmantes et une surveillance des plus rigoureuses.

Pendant que le docteur rédigeait sa prescription,

  1. Cass., I. 320 ; Rennes, III, 105, Forzinetti. — Selon Boisdeffre (Rennes, III, 105), Forzinetti lui aurait dit seulement : « Je ne peux pas dire qu’il soit coupable.
  2. Le voyage de Mercier est annoncé dans le Temps du 26 octobre 1894.
  3. Rennes, III, 110, Forzinetti. — Boisdeffre proteste que cette impression n’était pas fondée ; Forzinetti maintient sa déclaration.
  4. Dimanche 28.