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HISTOIRE DE L’AFFAIRE DREYFUS

Toute la séance du 20 et, encore, le 22, Du Paty le pressera sur les conversations indiscrètes qu’il aurait eues avec des officiers, sur ses prétendues stations, hors des heures réglementaires, dans les bureaux. Dreyfus répond à tout, simplement. Il s’était, en effet, attardé un jour à faire imprimer des documents au service géographique ; il devait les remettre au capitaine Corvisart ; en l’absence de celui-ci, il les avait remis au commandant Picquart, en présence de l’archiviste Tourot. Il avait demandé au capitaine Bretaud et au capitaine Besse des renseignements sur les quais de débarquement du réseau de l’Est ; c’était par ordre de son chef, le commandant Mercier-Milon[1]. Il n’avait jamais gardé indûment aucun document. Il savait le mot du cadenas de la section des manœuvres. Il avait causé avec le commandant Jeannel d’un manuel d’artillerie[2] ; il n’avait pas causé du frein du 120 avec le capitaine Moch ; il n’avait pas assisté à une conversation entre le commandant d’Astorg et le capitaine Roy au sujet du manuel ; il avait été chargé par Bertin de mettre le capitaine Boullenger au courant du service et, nécessairement, l’avait entretenu des lignes de transport.

La niaiserie de ces griefs est telle que l’enquêteur, par moment, semble en avoir honte. Pourtant, il pèse chaque mot, cherche à en tirer des conséquences : « Vous avez dit que vous connaissiez les numéros sous lesquels on désignait alors les lignes de transport ; savez-vous si on les désigne autrement à présent ? » Dreyfus ne le sait pas ; mais s’il l’avait su ?

Du Paty l’interrogeait avidement sur sa vie privée. Avait-il joué ? Jamais. Avait-il eu des maîtresses ? Dreyfus

  1. Cass., II, 50, Mercier-Milon.
  2. Du manuel français, selon Jeannel ; du manuel allemand, selon Dreyfus. (Rennes, II, 77, Jeannel ; II, 82, Dreyfus.)