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HISTOIRE DE L’AFFAIRE DREYFUS


hypothèse, « mais il est possible que quelqu’un ait essayé d’imiter son écriture, pour détourner les soupçons ».

Et Du Paty continue à refuser de lui dire de quoi il est accusé. C’est l’inspiration diabolique par excellence, ou, plus simplement, monacale. Toute cette procédure est un chapitre à ajouter à l’histoire de l’Inquisition.

En vain, le malheureux, tendant les bras, désespéré, supplie son bourreau de le tirer de cette ignorance qui le tue. Le bourreau se tait. Le fin du système était de le laisser, dans cette nuit, à tourner cette roue. Le treadmill anglais s’applique seulement au corps ; Du Paty l’applique à l’âme.

Du Paty, constatant que la vraie torture est celle-là, l’exaspère par quelques phrases vagues, obscures, ambiguës, sur les complices qui vont être arrêtés, sur les charges nouvelles, accablantes, qu’on découvre chaque jour, sur les officiers allemands qui savent son emprisonnement, bien qu’il ait été tenu secret. Et, suivi de Gribelin grimaçant, il se retire avec un geste théâtral.

VIII

Quand une première séance de torture ordinaire et extraordinaire n’avait pas donné le résultat cherché ; quand le patient, sous le fer ou sous le feu, avait persisté à crier son innocence, on laissait reposer quelques jours son corps déchiré, ses membres rompus, puis on recommençait. La chair avait repris assez d’élasticité et de force pour que le supplice pût être repris utilement, sans crainte d’amener la mort.

Ainsi, par ordre de Mercier, procéda Du Paty, avec