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L’ENQUÊTE


était résolu à donner sa démission. Il me le dit le 12 octobre, et je cherchai en vain à l’en dissuader.

Ainsi Casimir-Perier s’abandonnait, Dupuy laissait faire Mercier, et Mercier avait confiance en Du Paty. Il donna l’ordre à tous ceux qui étaient informés de garder un absolu silence, et attendit.

II

Du Paty n’avait point avoué l’échec de sa première rencontre avec Dreyfus, mais il en avait conscience. Il sentait aussi que les certitudes faiblissaient autour de lui. La grande lame furieuse qui a passé, le premier jour, sur l’État-Major, semble hésiter. Se serait-on trompé ? Le doute naît chez plus d’un, un doute vague, obscur, qui n’ose pas s’exprimer, parce que l’accusé est juif, mais qui n’échappe ni à Du Paty ni à Henry.

Une similitude contestée d’écriture, c’est peu pour condamner un officier, fût-il mécréant.

Les liasses de livres et de papiers, saisies chez Dreyfus et mises sous scellés, avaient été dépouillées, au ministère, pendant deux longues séances. C’étaient des livres techniques, des cartes et plans, des cours de l’École de guerre, quelques manuscrits, des factures, des lettres d’affaires et de famille, des carnets de comptes. Pas un chiffon, dans ces vingt-deux scellés, qui pût autoriser le moindre soupçon[1].

L’espèce particulière de papier sur lequel est écrit le bordereau a appelé l’attention de l’État-Major. Papier

  1. Mme Dreyfus, accompagnée de sa mère, avait assisté au dépouillement des scellés, ainsi que Cochefert. Elle signa les procès-verbaux avec Du Paty et Gribelin. (16 et 17 octobre.)