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CHAPITRE IV

L’ENQUÊTE

I

On ne sait pas en quels termes Mercier informa le premier ministre de l’arrestation de Dreyfus, ni pourquoi Dupuy, Hanotaux et Guérin laissèrent les autres ministres dans l’ignorance de l’événement[1]. Gobert raconte qu’au jour et à l’heure même où Dreyfus subissait son premier interrogatoire, il fut appelé à la chancellerie par le ministre de la Justice. Celui-ci lui demanda ce qu’il savait de l’affaire. L’expert déclara que la vérification d’écritures n’avait pas été concluante. Regardant l’heure à la pendule : « En ce moment, dit-il, on arrête l’officier soupçonné ; j’ai bien peur que ce soit une faute[2]. » Le ministre fit le geste de Ponce Pilate, recommanda à Gobert une grande discrétion, en vue surtout, ajoutat-il, d’éviter les polémiques de Drumont[3].

  1. Aucune question ne leur a été posée à cet égard, ni à Rennes, ni à la Cour de cassation.
  2. Cass., I, 213 ; Rennes, II, 305, Gobert.
  3. Guérin dépose qu’il ne se souvient plus de l’incident. (Cass., I, 291 ; Rennes, II, 233.) Mais j’ai déjà donné des preuves de sa faiblesse de mémoire.