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L’ARRESTATION


opérations ? Sil dénatura la scène de la dictée, il ne put cacher ni les protestations véhémentes de l’inculpé, ni l’absence de tout document suspect à son domicile.

Mercier questionna alors Cochefert, en homme « qui veut rassurer sa conscience[1] ».

« Vous qui avez une grande habitude de ces arrestations, demanda-t-il, et de voir les coupables, quelle est votre impression personnelle ? le considérez-vous comme coupable ? » Cochefert répondit « que son impression personnelle, autant qu’il pouvait se prononcer, était pour la culpabilité[2] ».

Simple impression ; rien de « la conviction que le chef de la Sûreté était accoutumé d’éprouver, après avoir interrogé ses inculpés habituels, longuement, pendant des heures, pendant des journées ; c’était une impression ». Et cette impression elle-même n’était pas spontanée, mais une conséquence des affirmations qui l’avaient trompé[3].

    Guerre, à la levée des scellés et au dépouillement des papiers saisis chez le capitaine. Ils étaient à la recherche du papier pelure du bordereau ; ils demandèrent à voir le papier dont se servait le marchand de diamants. Ici encore, l’échec fut complet.

  1. Rennes, I, 585, Cochefert.
  2. Rennes, I, 90, Mercier.
  3. Cochefert dit textuellement : « Cette impression ne s’inspirait que de l’authenticité de l’origine du bordereau qui était attribué à Dreyfus. » Et encore : « Cette impression s’inspirait de la conviction que j’avais que le capitaine Dreyfus était bien l’auteur du bordereau, en présence d’une affirmation aussi nette et aussi formelle que celle de M. Bertillon, et aussi de la conviction que j’avais qu’une longue enquête avait été faite par le bureau des renseignements. Je croyais qu’il existait aussi d’autres documents à la charge du capitaine Dreyfus que le bordereau lui-même, car, dans un court entretien que j’avais eu avec le colonel Sandherr, il m’avait parlé d’un autre papier où le nom de Dreyfus était prononcé par un agent étranger. » (Rennes, I, 585.) Or, l’expertise de Bertillon réservait l’hypothèse