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HISTOIRE DE L’AFFAIRE DREYFUS

Dans son rapport à Mercier, Du Paty précise « qu’après avoir écrit les quatre premières lignes d’une façon normale, Dreyfus commença à écrire irrégulièrement et qu’il lui en fit l’observation à mi-voix ». On a aujourd’hui le fac-similé de la lettre. On y chercherait vainement un prétexte à cette remarque. Cochefert ni Gribelin ne l’ont entendue[1].

Du Paty continue à dicter :


Je vous rappelle qu’il s’agit de :
1° une note sur le frein hydraulique
du canon de 120 et sur la manière dont


Et, pendant que Dreyfus écrit cette ligne[2], Du Paty l’interrompt, d’une voix qui siffle : « Qu’avez-vous donc, capitaine ? vous tremblez ! — Mais pas du tout, répond Dreyfus, j’ai froid aux doigts. »

Dreyfus avait continué à écrire régulièrement. « Irrégulièrement », affirme Du Paty. « En plaçant, dit-il, une règle au-dessous de chaque ligne, il est facile de constater que l’ondulation de la ligne au-dessus de la règle est plus marquée dans le corps de la ligne qu’au commencement[3] ». Or, cela n’est mathématiquement exact que de cette dernière ligne, légèrement courbe, en effet, écrite sous la brutale interjection. « Faites une interpellation pareille à quelqu’un qui est en train

  1. Du Paty ne la mentionne plus dans sa déposition de 1899. Dreyfus en a perdu le souvenir.
  2. Dreyfus, à Rennes, ne se souvient point à quel endroit précis de la dictée, Du Paty lui lança cette interpellation mais Du Paty dit lui-même (Rennes, III, 508) « que ce fut à la dixième ligne ». Demange, dans son plaidoyer de Rennes, indique cette même ligne (III, 652). Cochefert dépose qu’à la suite de l’interpellation de Du Paty, « la dictée continua encore pendant quelques mots ». (Rennes, I, 583.)
  3. Rennes, III, 507, Du Paty.