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HISTOIRE DE L’AFFAIRE DREYFUS


Boisdeffre n’est jamais à son bureau avant une heure plus tardive ? Les inspections, d’ordinaire, ont lieu l’après-midi. Et pourquoi cette recommandation expresse de revêtir la tenue bourgeoise ? S’il avait été coupable, il aurait compris. On lui avait laissé tout le temps pour fuir. Mais il arriva fort tranquillement au ministère, et quelques minutes à l’avance. Picquart, qui l’attendait, le fit entrer dans son bureau. Il était informé de ce qui allait se passer. Très pâle lui-même, il put constater son calme. Puis, le colonel Boucher annonça l’inspection. Picquart conduisit Dreyfus jusqu’à la porte du cabinet de Boisdeffre, qui était presque vis-à-vis de celle de son bureau[1].

Dans le cabinet du chef de l’État-Major, Dreyfus ne trouva point celui qu’il s’attendait à y voir, mais Du Paty et, dans le fond de la pièce, trois hommes, en tenue bourgeoise, qu’il ne connaît pas. C’était Gribelin, qui avait revêtu le costume civil, pour ne pas éveiller de soupçons ; Cochefert, « qui consultait une carte sur une table, comme un officier qui serait venu pour prendre des renseignements[2] », et le secrétaire du chef de la Sûreté.

Étrange inspection où il est seul convoqué[3] !

Du Paty vient à lui. En attendant le général de Boisdeffre qui n’est pas encore arrivé, il l’invite à remplir la partie signalétique de sa feuille d’inspection. Cette fiche « se trouvait sur une petite table disposée entre la table centrale et une des fenêtres, de façon à permettre aux assistants de l’observer ». Dreyfus s’assied, écrit. « Écriture normale[4]. » Cependant Du Paty s’entretient avec Gribelin et Cochefert.

  1. Cass., I, 127, Picquart.
  2. Rennes, I, 583, Cochefert.
  3. Les officiers sont toujours convoqués par groupes aux inspections générales.
  4. Rennes, III, 507, Du Paty.