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HISTOIRE DE L’AFFAIRE DREYFUS


1898, qui se contredisent, dont aucune ne s’applique à Dreyfus et dont plusieurs sont des faux[1].

Grossier artifice, mais qui n’en a fait que plus de dupes !

Mercier allègue « que le bordereau révélait un service de trahison organisé » — ce qui est exact, — « et que, dès lors, il fallait agir vite[2] ». Il prétend, contre toute vraisemblance, qu’il eût été impossible d’organiser une étroite surveillance, de gagner le temps nécessaire pour réunir, si Dreyfus était le traître, des preuves plus complètes[3].

Soit, la surveillance était difficile, et il fallait agir vite. Mais pourquoi agir à l’insu du chef de l’État, des autres ministres, du généralissime ? Pourquoi ce mystère, si ce n’est pour l’accomplissement d’un acte qu’on sait mauvais, que d’autres, plus prudents ou plus équitables, empêcheraient, qu’on veut perpétrer quand même ?

Et le même soir, le colonel Boucher, qui le racontera le lendemain à Picquart, avait, rentrant chez lui, croisé Dreyfus, son voisin ; il avait échangé un salut avec lui ; et il avait ressenti un trouble étrange de cette rencontre avec l’infortuné qui ne se doutait de rien, qui était déjà frappé au cœur.

  1. Bien plus : Mercier, à Rennes, avoue que sa conviction n’était pas faite : « Puisqu’il n’y avait pas encore eu d’enquête, il n’y avait encore que des présomptions. » (II, 200.)
  2. Cass., I, 5 ; de même à Rennes, II, 200.
  3. Rennes, II, 200, Mercier.