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LE BORDEREAU


avait demandée en vain aux autres pièces de comparaison ; ce serait la preuve qu’on cherchait et qui fuyait toujours.

Cette scène grossière de bas mélodrame avait paru admirable à l’État-Major. Même l’ignoble prétexte de l’inspection générale n’arrêta point ces soldats hallucinés. Le plan, au surplus, était stupide. Car, si Dreyfus, d’aventure, avait été coupable, cette convocation insolite l’aurait mis sur ses gardes. Averti, il aurait eu le temps de prendre la fuite.

Du Paty se rendit donc à la Préfecture de police, chez Cochefert ; il lui confirma que la culpabilité de l’accusé était avérée et lui fit part du plan qu’il avait imaginé[1].

Ainsi, pendant que Gobert travaillait en conscience à son expertise, tremblant que l’honneur et la vie d’un homme pussent dépendre d’une erreur de sa part, l’État-Major disposait toute chose pour consommer la perte du malheureux.

XIX

Mercier assiste, le 13 octobre, aux manœuvres de Limoges ; il ne repart pour Paris, avec Boisdeffre, que dans la soirée. À Paris, dans la matinée, Gobert avait remis son rapport à Gonse[2].

  1. Cette visite de Du Paty à Cochefert, racontée par celui-ci au procès de Rennes (I, 583), ne peut se placer qu’à cette date du vendredi 12 octobre. En effet, le jeudi 11, Cochefert avait eu sa première entrevue avec Mercier qui l’avait mis en rapport avec Du Paty. Le samedi 13, la lettre de convocation sera adressée à Dreyfus et Du Paty réglera avec Cochefert, qui vint à cet effet au ministère, les derniers détails de l’opération.
  2. Cass., I, 278 ; Rennes, II, 305, Gobert.