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LE BORDEREAU

En sortant de l’Élysée, Mercier se rendit chez le président du Conseil[1]. Il fut décidé entre eux de « procéder avec la plus grande discrétion ». Avant de saisir le conseil des ministres tout entier, on délibérera en « un petit conseil, composé des quatre ministres intéressés, c’est-à-dire du président du Conseil, du ministre des Affaires étrangères, du garde des Sceaux et du ministre de la Guerre[2] ».

Ce petit conseil eut lieu, au ministère de l’Intérieur, le jeudi 11 octobre[3]. Mercier y annonça la découverte du bordereau qu’il communiqua à ses collègues. Il leur dit que cette pièce avait été trouvée dans le panier à papiers de l’attaché militaire allemand, qu’elle était déchirée en morceaux, qu’elle avait été reconstituée et photographiée au ministère de la Guerre[4].

D’une comparaison d’écritures, il avait été amené à conclure que l’auteur de la trahison était un officier d’État-Major. Mais il refusa de le nommer[5]. Il demandait avis sur ce qu’il restait à faire[6].

Hanotaux, seul, ce jour-là, fit son devoir. Il déclara que, s’il n’y avait pas d’autre preuve que le bordereau et des expertises d’amateur, « il lui paraissait de toute impossibilité d’ouvrir une poursuite judiciaire ». Il fit, ensuite, valoir avec énergie « les considérations d’intérêt public et national qui s’opposaient à une pareille procédure ». Il s’opposa non seulement aux poursuites, mais à l’enquête[7].

  1. Rennes, I, 88, Mercier. — Voir Appendice II.
  2. Ibid.
  3. Rennes, I, 219, Hanotaux (Note du 7 décembre 1894).
  4. Rennes, I, 231, Guérin. — « Mercier, écrit Hanotaux, précisa l’objet de son enquête. »
  5. Rennes, I, 219, Hanotaux.
  6. Ibid.
  7. Rennes, I, 222, Hanotaux : « J’ai été seul, au conseil, de l’avis de ne pas procéder, je ne dis pas seulement aux pour-