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HISTOIRE DE L’AFFAIRE DREYFUS


était insuffisant[1] ». Il assista ensuite, sans rien revendiquer, d’une belle indifférence, ou dépouillement des papiers. « Plus d’émotion, plus de gêne. » Ce fut Esterhazy lui-même[2] qui s’amusa à lui signaler la pièce « Bâle-Cuers », parce qu’elle contenait le nom d’un agent du service des Renseignements[3], et la note écrite en anglais[4]. Henry les empocha. Enfin, Esterhazy fit, avec solennité, la déclaration convenue : « Depuis le commencement de ce procès, je me suis appliqué de toutes mes forces à ne pas citer de noms, à ne pas faire allusion à un fait, dans mes interrogatoires, qui puisse soit compromettre quelqu’un, soit intéresser la défense nationale. Ç’a été ma préoccupation constante depuis neuf mois[5]. » — Donc, s’il l’eût voulu, il eût pu « compromettre quelqu’un ». — Il insista pour que cette déclaration fût consignée au procès-verbal.

Le soir même, Henry, à tout événement, coucha par écrit le récit qu’il avait fait à Gonse et à Roget de

  1. Cass., I, 228 ; Rennes, I, 347, Bertulus.
  2. Ibid. — Cass., II, 255, Esterhazy.
  3. Cass., II, 225, Procès-verbal signé Esterhazy, Henry, Pays, Bertulus, André.
  4. Ibid., I, 228, Bertulus ; 626, 634, Roget ; II, 255, Procès-verbal. — Cavaignac prit connaissance de ces pièces ; selon Roget, il n’y aurait attaché aucune importance. (Cass., I, 625 ; Rennes, I. 272.) De même Junck (Rennes, I, 650). — Roget précise que l’une de ces pièces, « absolument insignifiantes », était relative aux entrevues de Dreyfus à Bruxelles avec un agent étranger : « Nous n’avions pas connaissance que le capitaine Dreyfus eût jamais eu d’entrevue avec cet agent à Bruxelles et nous n’avons pas attaché à ce fait d’autre importance que celle d’un racontar quelconque d’Esterhazy. » (Rennes, I, 272, 337.) Or, plusieurs des pièces secrètes étaient relatives aux prétendus rapports de Dreyfus avec Schmettau. Gonse et Cavaignac avaient recueilli à ce sujet les racontars, non pas d’Esterhazy, mais de d’Ocagne. (Voir t. III, 592.)
  5. Cass., II, 254, Esterhazy.