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HISTOIRE DE L’AFFAIRE DREYFUS

D’après la Constitution, la Haute Cour peut être saisie par un décret tant que l’ordonnance de renvoi n’a pas été rendue.

Il est donc certain que, de ce chef, la Haute Cour peut être saisie d’un acte attentatoire rentrant dans la définition donnée par l’arrêt de la Haute Cour ci-dessus cité.

III. — Des délits connexes peuvent être joints à cette première poursuite :

1° La dénonciation calomnieuse dans laquelle sont impliqués MM. Picquart, Christian Esterhazy, Labori, Trarieux ;

2° Les délits commis par la voie de la presse, où l’on pourra relever à foison les outrages à l’armée, et où se trouveront impliqués les directeurs des journaux et les auteurs des articles ;

3° Le délit pour lequel M. Zola est poursuivi.

IV. — Si la poursuite devant la Haute Cour était limitée ainsi, elle se bornerait à évoquer devant le Sénat des poursuites qui sont intentées, ou peuvent être intentées demain, sur les terrains les plus solides, devant la juridiction ordinaire ; elle paraîtrait tout à fait assurée et précise.

Mais elle semblerait évidemment manquer d’ampleur ; elle aurait pour unique résultat de donner plus de solennité aux poursuites, d’en rendre le résultat définitif en tranchant les incidents de procédure ; elle aboutirait à une condamnation à quelques années de prison.

V. — On peut envisager une solution plus étendue, en poursuivant devant la Haute Cour les faits ci-dessus visés, parfaitement précis et déterminés, tombant sous l’application des lois pénales.

On peut considérer que les actes ainsi poursuivis sont les éléments constitutifs d’un attentat dont le but est d’exciter les citoyens à s’armer contre l’autorité constitutionnelle (art. 87).

On peut considérer encore qu’ils sont les manifestations d’un complot ayant pour but l’attentat prévu à l’article 87 (art. 89).

On peut enfin considérer que les actes ci-dessus relatés sont les éléments constitutifs d’un attentat dont le but serait d’exciter la guerre civile en armant ou en portant les citoyens ou habitants à s’armer les uns contre les autres (art. 91).

Ou encore d’un complot ayant pour but le précédent attentat (art. 91).

Il y aurait ici cette circonstance particulière que nous saisissons un ensemble de délits précis et bien déterminés qui donnent une base à la poursuite pour attentat ou complot.

L’instruction n’aurait pas de peine à établir les manœuvres concertées qui relient les différents délits et dont quelques éléments sont déjà entre nos mains.