Au contraire, dans un exil volontaire et « la retraite la plus ignorée », Zola reste pour les défenseurs d’Esterhazy une menace redoutable ; il choisira lui-même son jour pour rentrer et donner ses preuves, soit que la vérité sorte victorieuse des procès en cours, soit qu’elle y subisse une autre défaite.
Clemenceau appuya Labori. Aucun des promoteurs de la Revision ne fut consulté[1].
Zola fut très ému à cette nouvelle aventure[2] : ce départ clandestin, comme d’un coupable, l’exil, et jusqu’à quand ? Et non seulement la tristesse de l’exil l’effraya, grandie hors de toute mesure par son imagination de poète, mais quelque chose de plus cruel encore : ce qu’on dira de lui, en France et dans le monde entier. Lui, si brave, fuir devant la prison ! Après tant de beaux gestes et de belles paroles, cette disparition obscure ! Ce qu’on exigeait de lui, était-ce vraiment nécessaire pour défendre contre le vent » la petite lampe sacrée[3] » ?
Il était d’autant plus indécis que sa femme, qui l’avait rejoint[4], était opposée au départ, s’étonnait
- ↑ Scheurer, Ranc, Trarieux, Mathieu Dreyfus n’apprirent, comme moi, le départ de Zola que par les journaux.
- ↑ Il m’avait écrit, le 12 juillet : « Par quelles fondrières on fait passer la vérité et que de victimes on lui sacrifie en chemin ! Ayons foi quand même, nous vaincrons. »
- ↑ La Vérité en marche, 130.
- ↑ Chez Georges Charpentier, où il s’était rendu directement de Versailles.
n’existerait plus. » Il avait cité un arrêt de la chambre criminelle sur ce point (18 mai 1872). De même Manau. (Procès Zola, II, 470, 504.) — À l’audience, Labori avait fait allusion à un autre moyen : « Un de ces messieurs n’aurait pas dû figurer dans le conseil de guerre. » Mais il avait ajouté que Zola ne soulèverait pas ce moyen qui, d’ailleurs, était contradictoire au principe de la permanence des conseils de guerre, puisqu’il était relatif à la personnalité de l’un des juges.