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MORT DE FÉLIX FAURE


— Mais Roget répliqua avec violence : « Je ne fais que ce que je veux[1] ! » et, piquant de l’éperon, poussant sa monture, malgré les ligueurs qui s’efforçaient une dernière fois de l’entraîner vers le faubourg Saint-Antoine, et Déroulède, qui, encore au seuil de la caserne, avait cherché à s’emparer de la bride du cheval, il pénétra « violemment, comme de haute lutte », dans la cour[2]. Ses régiments y entrèrent ensuite en bon ordre, mais après avoir éprouvé quelque difficulté à fendre la foule, et non sans avoir fortement bousculé ceux des manifestants qui essayaient de boucher la porte. Déroulède, qui parut alors à l’aide de camp de Roget tout à fait désespéré[3], mais qui parlait toujours, fut comme emporté par le flot des soldats, ainsi qu’une quinzaine de ses gardes du corps les plus décidés qui s’étaient collés à lui. Habert, un instant plus tard, força la double haie de soldats que Roget avait fait rapidement placer pour écarter les envahisseurs ; « il se rua, d’un brusque élan », et parvint à rejoindre Déroulède[4]. Le gros de l’émeute resta dans la rue, avec Lasies, Barrès et Guérin, qui traitait Déroulède d’imbécile[5], et quelques centaines de badauds.

  1. Instr. Pasques, 17, Gauchotte. Selon Morris : « Non, on ne me fait pas faire ce qu’on veut. » Déroulède se tait de l’incident : Roget, dans sa seconde déposition du 9 mars, dit que « les récits de Gauchotte et de Morris ne réveillent en lui que des souvenirs confus, mais qu’ils sont certainement exacts ». (64.)
  2. Ibid., 13, 14, et 64, Roget ; 17, Gauchotte ; 21, Duruisseau, capitaine adjudant-major de semaine ; 42, lieutenant Daudier ; 52, Morris. — Il était environ 5 heures. (21, Duruisseau ; 54, lieutenant-colonel Bessan ; 56, sergent Galerne.)
  3. Cour d’assises, 29 mai 1899, Déroulède : « Je me considérais comme perdu. »
  4. Instr. Pasques, 39, Habert ; 55, commandant de Sérignan ; 57, sergent Galerne ; 72, commandant Lambin. Roget ne vit Habert que dans la cour de la caserne. (16.)
  5. Haute Cour, IV, 67, Peretti.