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MORT DE FÉLIX FAURE


correctement devant le catafalque et devant Loubet, au contraire de son camarade Kermartin qui affecta de regarder du côté opposé, ce qui lui valut, à haute voix, ce rappel à l’ordre de Zurlinden, que tout le monde entendit : « Tête à gauche, Kermartin[1] ! » ; — sur quoi Kermartin tourna la tête à gauche et consentit à saluer de l’épée le Président de la République. — Pellieux, tout en marchant, « donna ses ordres et, revenant immédiatement sur ses pas, se mêla à l’État-Major de Zurlinden pendant tout le reste du défilé ». Il rentra ensuite à l’École militaire par les boulevards extérieurs, qui étaient ce jour-là presque déserts, on peut croire un peu honteux, mais rassuré.

Plus tard, Zurlinden se posa cette question : « Pellieux avait-il laissé croire auparavant qu’il pouvait prêter son concours ? » et il l’a résolue, sans grande conviction, par la négative : « On ne saura malheureusement jamais toute la vérité, puisque ce galant homme est mort » ; mais la bagarre était trop sotte, l’entreprise trop chimérique pour qu’il y eût pu consentir[2].

Le règlement du service des places[3] obligeait Pellieux « à faire connaître sur le champ à l’autorité supé-

  1. Journaux du 24 février 1899. — Une note du ministère de la Guerre expliqua que l’erreur de Kermartin n’avait pas été intentionnelle. Le général alla présenter ses excuses à Loubet.
  2. « Il me paraît impossible d’admettre qu’il ait jamais pu promettre son concours pour une bagarre comme celle fomentée par M. Déroulède, et qu’il ait consenti à se révolter contre le gouverneur militaire de Paris, en présence de toute la garnison de Paris, alors qu’il n’avait pas deux bataillons sous ses ordres. » Aussi bien « Pellieux était un très galant homme, incapable de dénoncer ceux dont il aurait reçu les confidences ».
  3. Article 75 : « Les chefs de poste informent le major de la garnison, dans un rapport spécial, de tout événement offrant quelque gravité et que l’autorité supérieure a intérêt à connaître sur le champ. »