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MORT DE FÉLIX FAURE


les auraient escortés et suivies[1]. Beaucoup des compagnons de Guérin n’étaient pas royalistes et ne soupçonnaient pas que leur chef le fût, bien qu’il eût publié dans l’Anti-Juif le discours de San-Remo, répandu ce manifeste à profusion par ses camelots et désigné le prince « comme l’homme du moment ». Il ne lui avait pas été plus difficile qu’à la police de connaître les desseins de Déroulède. Il n’alla pas le voir, leurs rapports étant tendus, mais il était en relations avec Firmin Faure et Millevoye, qui fréquentaient chez le chef des « patriotes ». Lasies, brouillé avec Guérin, croyait encore que « c’était pour Victor »[2].

On arriva ainsi à la veillée des armes, la nuit du 22 au 23 février. Dans l’après-midi, Buffet, qui avait envoyé plusieurs émissaires au duc pour lui dire de se tenir prêt à passer la frontière ou à débarquer sur quelque côte au premier signal, lui télégraphia : « Tous seront demain à leur poste »[3] ; et le duc, assez sceptique jusqu’alors, graissa ses bottes, s’endormit sur l’agréable pensée que Déroulède, qui n’avait pas voulu marcher avec lui, n’en serait pas moins, « dans ce grand jour »[4], l’auteur de sa restauration et lui « ouvrirait les portes ». Loubet à bas, si Philippe se présentait, — des relais d’automobiles avaient été préparés sur

  1. Haute Cour, I, 7, rapport du préfet de police.
  2. Rapport Hennion, notes des 22, 23 et 24 février 1899. Il fut tenu au courant, on peut dire heure par heure, de ce qui se tramait des deux côtés. (Haute Cour, I, 16 à 19.) — Spiard, Coulisses du Fort Chabrol, 80.
  3. Télégramme de 4 h. 40. (Haute Cour, I, 109.). Selon Buffet (16 novembre 1899), il ne s’agissait pas des postes préparés à Paris, mais des dispositions prises « sur tous les points du territoire, même sur la frontière de mer, pour recevoir le duc d’Orléans », Ce qui confirme le récit de Duréaux. (Voir p. 583.)
  4. Haute Cour, 16 novembre 1899, Buffet : « Ce jour-là a été pour moi le grand jour, celui où la révolution spontanée pouvait se faire. »