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HISTOIRE DE L’AFFAIRE DREYFUS


Pagès, le marquis de la Rochethulon, de Plas et Sabran[1], se tenait prêt à « surveiller »[2], à s’emparer de « la révolution spontanée »[3], c’est-à-dire, comme on a vu, si Déroulède réussissait à entraîner la troupe, à se joindre à lui pour dévier le mouvement en faveur du duc. À cet effet, les Ligues royalistes et antisémites firent annoncer par le journal de Drumont qu’elles avaient établi des « permanences »[4] ; Sabran et le baron de Vaux enrôlèrent tout ce qu’ils purent trouver de « gars » et de bouchers, et Guérin convoqua à la place de la Nation une centaine de ses hommes les plus résolus[5], sans leur donner d’autre consigne que celle-ci : « Vous marcherez à mon signal et à mon ordre[6]. » D’autres groupes, disposés sur les grands boulevards, auraient acclamé les troupes à leur passage,

  1. Rapport Hennion du 22 février 1899. (I, 17.)
  2. Haute Cour, VI, 116, Godefroy, et discours du 22 mars 1899.
  3. Ibid., 10 novembre 1899, Buffet ; 21 novembre, Guérin.
  4. Libre Parole du 19 février.
  5. Le Réveil Français, journal de Guixou-Pagès et du colonel de Parseval, précise qu’on enrôla cinq cents individus. (24 février 1899.) — Guixou-Pagès allégua que l’article, emprunté par son propre journal à la Gazette de France, était inexact. (VI, 70.) Sabran démentit qu’il eût participé aux embauchages (109), ce qui fut contredit par Canoine, Delbaude, Noël et autres embauchés. Un nommé Jaeger, au service de Sabran, prétendit avoir tiré l’argent de sa propre poche. — de Vaux avoua ; on avait saisi chez lui des convocations pour la journée du 23 février. (Instr. Fabre, 19 avril.)
  6. Rapport Hennion du 22 février. — Haute Cour, IV, 67 ; et 28 novembre 1899, Peretti, l’un des compagnons de Guérin, même déposition de Guérin le 21 ; à l’audience du 28, Guérin et le sénateur Le Provost de Launay accusèrent Peretti d’être un « mouchard », comme Guérin en accusait également Thiébaud (Anti-Juif du 25 mai 1902) et comme Méry et Drumont l’en accusèrent. — Les antijuifs rapportèrent les télégrammes qu’ils avaient reçus, et Guérin les fit brûler. (Rapport Hennion, 24 février 1899.)