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HISTOIRE DE L’AFFAIRE DREYFUS


de leur côté, mais sans la direction dictatoriale qui est indispensable pour préparer ce genre de crime politique, sans autre base populaire (l’opération que les bandes de Guérin, plus brutales, mais de beaucoup moins nombreuses que celles de Déroulède, et, surtout, fort dépités que ce gêneur s’obstinât à vouloir tout pour lui et réclamât jusqu’au monopole des attentats contre la République.

Imaginez, au temps des diligences, deux bandes ayant formé le dessein d’attendre, au coin du même bois, le courrier pour le détrousser, mais, avec cette circonstance embarrassante que le partage du butin était impossible. Telle était exactement la situation respective des « patriotes » et des royalistes. Il eût fallu, ou bien que Déroulède liât partie avec les royalistes, mais c’eût été forcément se mettre à leur service, tirer pour eux les marrons, renoncer à être Cromwell pour n’être que Monck ; ou jouer la comédie d’une action commune, quitte à voir après, mais Déroulède eût risqué d’y perdre ses meilleurs soldats, qui se croyaient républicains. Au surplus, il était sûr d’entraîner à lui seul l’armée et le peuple, et il avait retenu, de son association avec Boulanger, que les gens du Roi gâtaient et perdaient tout ce qu’ils touchaient, ce qui était, en effet, depuis trente ans, le plus clair de leur histoire. Dans son discours du 21, il avait donc fait une vive sortie contre les prétendants, comme pour répondre à quelque demande qui aurait été tentée auprès de lui et, plus particulièrement, « à la menace de l’arrivée du duc d’Orléans »[1].

  1. Instr. Pasques, 81, Jarzuel, rédacteur au Gaulois et membre de la Ligue des Patriotes. — Déroulède a raconté plus tard qu’une démarche avait été faite par un journaliste royaliste (Georges Poignant) auprès de Marcel Habert. (Écho de Paris du 20 mars 1901.)