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HISTOIRE DE L’AFFAIRE DREYFUS


s’échauffer davantage et, sans frein, comme il était homme de premier mouvement, irréfléchi, crédule et antisémite, il parlait à tort et à travers, manifestait bruyamment et ne laissait pas d’inquiéter les siens par ses imprudences[1]. On l’avait entendu déclamer à la Cour d’assises, lors de mon procès, et, le soir où fut votée la loi de dessaisissement, à la « magnifique conférence de Quesnay de Beaurepaire ». Il se targuait d’avoir contribué, « dans la limite de ses moyens », à la campagne « contre l’ignoble Chambre criminelle » :

Qu’avons-nous fait, écrivait-il, pour mériter une magistrature pareille ?… Ce qu’on a appris n’est rien encore auprès de ce que nous savons et dirons. Certains des membres de cette Chambre doivent être et seront, s’il y a encore une justice au monde, traduits devant les tribunaux pour forfaiture. Je ne serais pas étonné d’ailleurs qu’un coup de théâtre se produisît. Dreyfus, voyant ses affaires mal tourner, renouvellera ses aveux et dénoncera ses complices. Car il en a. Et c’est ce que craignent les juifs… Cette race, qui a introduit chez nous le culte du veau d’or, cherche à pousser à fond la démoralisation et le déshonneur. Si tu avais vu cet ignoble Reinach fuyant le débat public après avoir insulté la veuve, tu saurais que ces sacrés juifs ne sont pas défendables[2].

On devine la conversation entre ce sabreur et Déroulède, à quelques jours de là, après l’élection de « Loubet-la-Honte ». Certainement, quand il fut au pied du mur, Pellieux hésita. Ces militaires, les plus audacieux et

  1. Il écrivit, le 11 février 1899, à sa mère : « Ne t’inquiète aucunement. Nous menons le bon combat, mais sans danger, car nos adversaires sont des lâches. I love you with all my heart. g. de pellieux. » (Cette lettre fut publiée par son cousin G. de Maizière, dans le Gaulois du 8 avril 1903.)
  2. Même lettre.