Page:Joseph Reinach - Histoire de l’Affaire Dreyfus, Eugène Fasquelle, 1904, Tome 4.djvu/554

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
550
HISTOIRE DE L’AFFAIRE DREYFUS


cope[1], ou il le laissa dire pour permettre d’expliquer qu’on n’était pas allé chercher aussitôt Mme Faure, Il fallut d’abord réparer un tel désordre, donner aux êtres et aux choses une apparence qui empêchât de reconnaître la vérité. Tout cela prit du temps. On avait étendu Faure, qui râlait, sur un matelas au milieu de la chambre. Des propos touchants lui ont été prêtés : « Je pardonne à ceux qui m’ont offensé… Mon bon Clerh (son maître d’hôtel), je vous ai parfois bousculé ; pardonnez-moi, je vous aimais bien… (À son valet de chambre) : Voyez ce qu’un homme est peu de chose, même quand il est Président de la République[2]… » ; à peine s’il put bredouiller quelques mots qu’on devina plutôt qu’on ne les entendit. Vers 7 heures et demie seulement, on téléphona aux médecins ordinaires, Bergeron, qui arriva le premier, Potain, Cheurlot, Lannelongue ; celui-ci, dès qu’il eût envisagé le Président, eût un geste qui le jugeait sans espérance. Faure, peu après, « tomba dans le coma[3] ».

On envoya alors prévenir Dupuy, et Lannelongue lui-même se rendit chez lui, pour lui annoncer que la mort était imminente. Il s’écria, pensant à Carnot, que c’était le second Président de la République qui mourait

  1. « La syncope a des symptômes trop précis pour être confondue avec l’apoplexie hémorragique. » (Brissaud, 186.)
  2. Premier récit officieux du lendemain, Temps du 18 février, Débats, etc. — « En tous cas, le malade ne peut pas parler ; il bredouille quelques grognements d’une façon tout à fait inintelligible. » (Grasset, 20.) Selon Brissaud, l’aphasie (la perte complète de la parole) est rare. (180.) — La Libre Parole elle-même convint que le procès-verbal des médecins « détruisait la légende des adieux ». (23 février 1899.)
  3. Récit du 18. — Lannelongue arriva à l’Élysée à huit heures moins le quart ; il se rendit chez Dupuy vers neuf heures. — « Tantôt l’ictus débute par une crise convulsive identique à l’épilepsie et aboutissant à un sommeil comateux sans réveil. » (Brissaud, 177.) — Voir Appendice IV.